L'expérimentation doit commencer dans huit communes, dont Paris, Lyon et Nice.
Combien de véhicules ne pourront plus demain accéder aux grandes villes? La question, bien réelle - puisque des études sont menées dans ce sens -, a ressurgi brusquement après la parution d'un décret. Publié au Journal officiel il y a quelques jours, ce dernier énonce les peines prévues pour les usagers de la route qui, prochainement interdits d'accès aux villes, s'y risqueraient quand même: 135 euros pour les poids lourds, les bus et autocars, et 68 euros pour les autres véhicules. Le nombre de coups de bâton prévus est ainsi annoncé alors que rien n'a encore vu le jour…
Aujourd'hui, huit communes ou groupements de communes se sont portés candidats pour étudier la restriction du trafic en boutant hors de leurs rues les véhicules les plus polluants. Il s'agit de Paris, Saint-Denis, Bordeaux, Lyon, Grenoble, Clermont-Ferrand, Nice et Aix-en-Provence. À charge pour elles, et sous le pilotage de l'État, de ficeler un projet pour juillet prochain. Ensuite, une expérimentation de trois ans sera lancée. Les zones d'actions prioritaires pour l'air (Zapa) - car tel est le nom choisi pour ces lieux - seront alors lancées.
«Aujourd'hui, les villes réalisent des études de faisabilité et examinent les différents scénarios possibles», indique Joëlle Colosio, chef du service qualité de l'air à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), qui pilote le projet.
Les diesels particulièrement visés
Concrètement, il s'agit pour les élus de définir les catégories de véhicules qui deviendront persona non grata car trop polluantes en émettant des microparticules, ces poussières ultrafines qui s'infiltrent au plus profond des poumons. Selon Denis Baupin, adjoint écologiste au développement durable à Paris, ce sont les diesels qui sont visés. Au sein de cette catégorie, «les élus placeront le curseur à leur guise», indique Christian Scholly, directeur adjoint de l'Automobile Club, qui s'inquiète d'une projection faite par l'Ademe en 2009.
Selon certains critères qu'elle avait définis, elle indiquait que le pourcentage de véhicules non autorisés à pénétrer dans les Zapa serait de 64 % pour les bus et autocars, 57 % pour les poids lourds, 43 % pour les véhicules utilitaires légers et 38 % pour les véhicules légers. Autre axe de travail pour les villes: déterminer le périmètre d'une Zapa, qui peut toucher toute une ville, certains quartiers, ou encore aller au-delà des frontières de la commune. «Elles peuvent également définir certaines plages horaires pour ces interdictions, appliquer ces mesures peu à peu dans le temps. Le choix est large», souligne Joëlle Colosio.
Enjeu sanitaire
L'enjeu de ce projet est avant tout sanitaire. En 2005, une évaluation faite dans les vingt-cinq pays de l'Union européenne estimait qu'en France près de 42.000 décès étaient dus à la pollution de l'air par les particules fines. Une autre étude coordonnée par l'Institut de veille sanitaire l'an passé et menée dans douze pays européens a livré à son tour son résultat alarmant. La perte d'espérance de vie liée aux particules fines pour les personnes de 30 ans et plus est de 5,8 mois à Paris, 7,5 mois à Marseille, 5 mois à Bordeaux.
Mais, sans même avoir vu le jour, les Zapa s'exposent déjà aux critiques. Selon l'Automobile Club, les bénéfices environnementaux ne sont pas prouvés, comme le révèlent des initiatives similaires à l'étranger. Une allégation contredite par l'Ademe, qui souligne l'effet positif immédiat sur l'air du recul du trafic. Par ailleurs, pour Christian Scholly, les Zapa sont discriminantes, car elles pénaliseront les foyers les plus modestes, qui ne pourront changer de voiture. Pour Denis Baupin, un accompagnement social serait d'ailleurs nécessaire. «On pourrait envisager la gratuité des transports pour ceux qui abandonnent leur voiture», dit-il en dénonçant le manque de cohérence du projet. Ce dernier ne vise que les diesels, mais il devrait aussi s'attaquer à la pollution au CO2, selon lui. Dans ce cas, les gros 4 x 4 seraient aussi mis à la porte des villes.
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