Arrêté et condamné à quinze jours de prison à l'issue de la manifestation du 5 décembre, le célèbre blogueur anti-corruption Alexeï Navalny a posté samedi 10 décembre sur son blog, depuis son lieu de détention, un message aux manifestants.
Message aux manifestants
Lutter pour ses droits, c'est facile et agréable. Et pas risqué du tout. Ne croyez pas les stupidités que vous entendez sur les violences qui seraient inévitables, les affrontements avec la police et les voitures incendiées.
La seule arme dont nous avons besoin, qui est aussi la plus puissante, nous l'avons, chacun de nous l'a, c'est le sens de notre propre dignité.
Mais il faut bien se rendre compte que ce n'est pas une veste en velours qu'on met et qu'on enlève. Ce n'est pas quelque chose qu'on actionne en appuyant sur un bouton, assis dans sa cuisine avec ses amis, pour l'éteindre honteusement quand on discute avec un haut fonctionnaire, un policier ou un membre de la commission électorale.
Les gens qui ont leur dignité existent. En grand nombre. Des dizaines d'entre eux sont là, tout près de moi, allongés sur des matelas éventrés. Et je sais que des milliers d'autres sont en ce moment même place de la Révolution et place Bolotnaïa. Ici à Moscou, et dans d'autres villes du pays.
Il n'y a pas de répression ni de coups de matraques ! Pas d'arrestations ni de condamnation à 15 jours de prison ! On ne peut pas tabasser et arrêter des centaines de milliers, des millions de personnes. [Depuis l'an 2000] on n'a même pas cherché à nous faire peur, on s'est contenté de nous faire croire qu'une vie de crapauds et de rats, une vie de troupeaux silencieux était la seule possibilité d'obtenir en récompense la stabilité et la croissance économique.
L'envoûtement se dissipe, et nous découvrons que le silence du bétail n'a été un cadeau que pour une bande d'escrocs et de voleurs qui sont devenus milliardaires. Cette bande et leurs laquais des médias continuent à tenter de nous faire croire que les fraudes en faveur de leur parti d'escrocs et de voleurs sont indispensables pour que nous ayons encore de l'eau chaude au robinet et des prêts immobiliers à taux réduit. Déjà douze ans qu'on nous fait avaler ça. On n'en peut plus. Il est temps de nous secouer et de sortir de la torpeur.
Nous ne sommes ni du bétail, ni des esclaves. Nous avons une voix, et nous avons des forces pour la faire entendre.
Tous ceux qui ont leur dignité doivent se sentir solidaires les uns des autres. Peu importe où ils se trouvent en ce moment, en train de manifester, assis dans leur cuisine ou enfermés au poste. Nous nous sentons solidaires de vous et nous savons que nous allons gagner. Il ne peut pas en être autrement.
Nous vous disons : Un pour tous, tous pour un !
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