À l’unisson, les prétendants à l’Élysée prônent un patriotisme économique en multipliant les slogans autour du thème : "produire français". Un discours de campagne qui relève plus du plan de communication que d’un projet politique.
Par Ségolène ALLEMANDOU (texte)
Très en vogue en cette période de pré-campagne, le terme "produire français" est devenu incontournable dans le discours politique. Dernier en date à l’avoir évoqué : le président Nicolas Sarkozy lors de son déplacement dans une usine de skis Rossignol à Sallanches en Haute-Savoie, le mardi 13 décembre. "Tout le monde parle ‘acheter français’. Moi, je préfère parler ‘produire français’", a-t-il déclaré depuis ce site hautement symbolique, puisque une partie de la production de l’usine y a été réimplantée en 2008, après avoir été délocalisée à Taïwan en 2005.
Par cette formule, le chef de l’État a répondu au candidat centriste François Bayrou, qui a choisi d’axer sa campagne sur le slogan "acheter français" pour relancer l’économie.
Dans la foulée, les autres prétendants à l’Élysée se sont aussi positionnés sur le sujet, chacun y allant de sa petite phrase : le candidat socialiste François Hollande défend le "patriotisme industriel" en proposant un "pacte productif", tandis que celle du Front national, Marine Le Pen, a promis de faire voter une loi baptisée "achetons français", avec l'objectif très ambitieux de créer 500 000 emplois dans l'industrie en cinq ans.
Le vote ouvrier
Le "patriotisme économique", slogan politique qui reprend le "achetons français" du communiste Georges Marchais, prend donc place au cœur du débat électoral. Pour cause, ce thème porteur soulève trois enjeux de taille, selon Eric Bonnet, directeur d’études à l’institut de sondage BVA : "la lutte contre les effets néfastes de la mondialisation, la lutte contre le chômage [9,8% en octobre] et le vote ouvrier", précise-t-il.
Et d’ajouter : "Cet électorat est d’autant plus important qu’il représente 20% des votes et qu’il est versatile." En 2007, Nicolas Sarkozy avait conquis la population ouvrière. "Mais aujourd’hui, c’est François Hollande qui fait la course en tête dans les sondages, devant Marine Le Pen et Nicolas Sarkozy, loin derrière", poursuit-il.
En cinq ans, le président français a perdu toute crédibilité à leurs yeux. Le Parti socialiste ne manque d’ailleurs pas de fustiger le bilan du gouvernement en matière industrielle. Le secteur a perdu 260 000 emplois entre mi-2008 et mi-2009, puis 72 000 emplois en 2010, selon l'Insee.
Selon Eric Heyer, directeur adjoint de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), "la période de crise a complètement brouillé son bilan. Sarkozy n’a eu de cesse d’éteindre l’incendie de la crise sans pouvoir mettre en place une stratégie de reconstruction."
"Développer la valeur ajoutée française dans certains secteurs"
Nicolas Sarkozy semble pourtant bien décidé à ne pas abandonner ce créneau à ses adversaires. Mardi, il a plaidé pour un "label France", décerné depuis peu à une quarantaine de produits incorporant au moins 50% de valeur ajoutée tricolore. De leur côté, les autres candidats sont bien décidés à ne pas céder sur ce terrain, au point que "les attaques se multiplient pour décrédibiliser l’adversaire et incarner ‘le’ candidat ouvrier", décrypte Eric Bonnet.
Mais Eric Heyer déplore cette guerre des slogans, qui résonne plus comme un plan de communication qu’une réelle politique de réindustrialisation. "Les candidats proposent une vision simpliste en incitant à acheter français juste pour le principe", souligne-t-il. "Il serait plus judicieux de mettre en place de vraies politiques pour développer la valeur ajoutée française dans certains secteurs".
Et de rappeler que la France reste le troisième pays d’accueil en matière d’investisseurs étrangers. "La France doit utiliser sa valeur ajoutée pour s’illustrer dans certains secteurs de l’industrie, indique-t-il. On pourra alors dire ‘consommer les produits français car ce sont les meilleurs’".
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