A l'approche de Noël, chacun cherche le cadeau idéal pour contenter ses proches. Mais, selon une étude américaine, les offreurs atteignent rarement leur but. Ils ont en effet tendance à vouloir faire une surprise, alors que le receveur préfère un cadeau qu'il a "commandé".

Offrir le bon cadeau à la bonne personne. C’est là un souci récurrent à la veille de Noël. Or, en dépit du temps et de l’argent dépensés à cette occasion, nombre de gens seraient peu doués pour cet exercice, assure un article paru ce printemps aux Etats-Unis dans le Journal of Experimental Social Psychology. La satisfaction causée par leurs présents ne serait pas à la hauteur des efforts déployés pour dénicher l’objet, alors qu’elle pourrait être sensiblement plus élevée à moindres frais.

Signé Francesca Gino et Francis J. Flynn, professeurs aux éminentes universités de Harvard et de Stanford, l’article traite d’une situation particulière et néanmoins courante: celle où le "receveur" attendu d’un cadeau a suggéré différents présents parmi lesquels le "donneur" est invité à choisir. L’exemple type est la liste de mariage sur laquelle les futurs époux inscrivent les objets qu’ils se verraient bien acquérir. Mais ce genre de sollicitations peut aussi se glisser dans une conversation privée d’avant-fête comme en bien d’autres échanges.

Francesca Gino et Francis J. Flynn reviennent sur plusieurs recherches consacrées à de tels cas de figure. Etudes pour lesquelles des Américains ont été invités à se souvenir (ou à imaginer) quels cadeaux leur avaient procuré (ou leur procureraient) le plus de plaisir: des cadeaux suggérés ou des cadeaux surprises. Résultat: en toutes circonstances, les receveurs ont eu tendance à préférer les présents qu’ils avaient sollicités, tandis que les donneurs ont valorisé de préférence les présents issus de leur imagination.

Côté bénéficiaire, l’argent constitue une catégorie à part. Même non sollicité, il a toujours fait plaisir, plus que n’importe quel type de cadeau, suggéré ou non. Là aussi, cependant, les deux parties à la transaction en ont montré une perception divergente.

Si les receveurs l’ont apprécié, les donneurs ne l’ont pas porté en haute estime: à leurs yeux, il ne représentait qu’un "moindre bien" et, dans l’exercice spécifique auquel ils se livraient, des billets possédaient moins de valeur que des objets.

Décidément, les deux parties ne se trouvent jamais sur la même longueur d’onde… "Il peut paraître surprenant que les donneurs de cadeaux, qui ont très certainement été eux-mêmes à maintes reprises des receveurs de cadeaux dans le passé, continuent à faire de telles erreurs de jugement", observent Francesca Gino et Francis J. Flynn.

Pareille attitude a une explication, bien sûr. Un motif bien connu des anthropologues. Le don ne représente pas qu’un transfert matériel. Il constitue un geste social, à travers lequel des messages sont envoyés dans le but conscient ou inconscient d’exprimer des sentiments, de peser sur une interaction, de dessiner des rôles. Ce qui complique tout.

"Suivre des propositions de cadeau formulées par le destinataire pourrait être interprété comme un signe que le donneur ne connaît pas assez bien son vis-à-vis pour identifier un objet adéquat ou qu’il ne désire pas dépenser le temps et l’énergie nécessaire pour imaginer à quoi un tel présent pourrait ressembler, expliquent les deux professeurs. Par voie de conséquence, un tel cadeau risque d’être perçu comme impersonnel plutôt que comme le signe d’un engagement en faveur de la relation existante."

Bien pensé. Il n’empêche que, selon nos chercheurs, le point de vue des receveurs est exactement inverse. Avec d’excellentes raisons là aussi. "Les bénéficiaires du cadeau peuvent être frustrés quand les donneurs ne tiennent pas compte de leurs suggestions explicites, poursuivent Francesca Gino et Francis J. Flynn. Les présents qu’ils ont sollicités leur semblent probablement plus réfléchis et plus attentionnés que ceux qu’ils n’ont pas requis parce qu’ils indiquent que le donneur est attentif et réactif."

Les gens ont tendance à surestimer leur capacité à comprendre et à être compris d’autrui, affirment les deux professeurs. A l’heure des cadeaux, les donneurs feraient ainsi plus d’heureux en tenant davantage compte des suggestions qui leur sont faites et les receveurs en formulant mieux leur désir – selon une dernière étude, demander un objet précis à une personne précise s’avère beaucoup plus efficace que présenter une liste de dix objets à dix personnes.

Le cadeau idéal serait ainsi tout simple à trouver. Il suffirait aux uns de demander et aux autres d’écouter. Et tout le monde serait content. Sauf qu’une telle solution interdit les échanges. Et s’il valait mieux tout de même recevoir des présents non voulus? Bien sûr, ces objets risquent de décevoir. Mais ils sont les seuls susceptibles, aussi, d’ouvrir à leurs destinataires de nouveaux horizons.

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