Le président s'apprête à célébrer ce jeudi, dans les Vosges, le 600e anniversaire de la naissance de Jeanne d'Arc, figure emblématique de l'histoire du pays dont s'est emparé l'extrême droite. L'occasion de courtiser l'électorat du Front national.
REUTERS - Nicolas Sarkozy lancera vendredi dans les Vosges et la Meuse la commémoration du 600e anniversaire de la naissance de Jeanne d'Arc, sainte et héroïne nationale que les prédécesseurs du chef de l'Etat ont tous célébrée, à l'exception de Georges Pompidou.
A 106 jours de l'élection présidentielle, ce sera l'occasion pour lui de flatter l'électorat le plus conservateur de France, bien que la "pucelle" de Domrémy n'ait pas toujours été l'icône de l'extrême-droite que le Front National (FN) en a fait.
Entre les deux tours de l'élection présidentielle de 2007, Nicolas Sarkzoy avait déjà lancé à Rouen : "Jeanne, c'est la France". Et il s'était demandé comment la droite républicaine et le centre avaient pu laisser l'extrême-droite la "confisquer".
L'analyste Gaël Sliman (BVA) voit cependant surtout dans son pèlerinage de vendredi à Domrémy-la-Pucelle et Vaucouleurs une manière de s'inscrire dans la tradition de Charles de Gaulle, Valéry Giscard d'Estaing, François Mitterrand et Jacques Chirac.
Tous ont sacrifié au culte de la jeune paysanne analphabète, née le 6 janvier 1412 à Domrémy, qui lança de Vaucouleurs en 1429 sa croisade pour "bouter les Anglais" hors du royaume de France et contribua à changer le cours de la Guerre de Cent ans.
Une croisade qui la conduira d'Orléans, libérée le 8 mai 1429, et Reims, où elle fait sacrer roi de France le dauphin Charles, au bûcher de Rouen, où elle est brûlée vive en 1431 après avoir été capturée par les Anglais et jugée pour hérésie.
Nicolas Sarkozy visitera l'église et sa maison natale à Domrémy avant de prononcer un discours à Vaucouleurs. "Il rappellera l'importance de l'enseignement et de la diffusion de l'Histoire, pourvoyeuse de repères collectifs", précise la présidence de la République.
Le FN crie à la récupération
Pour Gaël Sliman, cette volonté de s'imprégner de la "France éternelle" s'inscrit dans une "quête de représidentialisation et de tout ce qui peut faire oublier le président bling-bling et la rupture sarkozienne des débuts."
Le FN crie pour sa part à la "récupération électorale" et à l'imposture : "Tout le mandat du président sortant a été jalonné par des remises en cause incessantes de l'identité et de l'indépendance de la France", écrit son secrétaire général.
"Lorsqu'on fait preuve d'autant de servilité à l'égard du mondialisme et des puissances étrangères, on ne peut pas décemment commémorer Jeanne d'Arc et se réclamer de son héritage", ajoute Steeve Briois dans un communiqué.
La présidente et candidate du FN à la présidentielle, Marine Le Pen, et son père, Jean-Marie, fondateur du parti d'extrême-droite, célébreront pour leur part samedi en Jeanne d'Arc un "symbole de la patrie française" devant sa statue, place des Pyramides, à Paris. C'est aussi là que le FN organise chaque 1er mai depuis 20 ans une cérémonie à la mémoire de la sainte.
Certains, à gauche, regrettent aujourd'hui que le monopole des commémorations de Jeanne d'Arc soit laissé à la droite. A la fin du XIXe siècle, l'historien Jules Michelet avait fait de Jeanne d'Arc, "brûlée par le fanatisme religieux", une "héroïne républicaine" et une "sainte laïque", rappelle Alexis Corbière, proche du candidat du Front de gauche Jean-Luc Mélenchon. Et Jean Jaurès, figure du socialisme français, l'a célèbrée dans son discours "internationalisme et patriotisme".
"La France qui résiste"
François Mitterrand a participé deux fois aux fêtes de Jeanne d'Arc à Orléans en 1982 et 1989. "C'est ici que la France a pris, voici plus de cinq siècles, le grand tournant de son histoire à l'appel si fort, si clair de Jeanne d'Arc, enfant de notre peuple", dit le président socialiste le 8 mai 1982. Le 8 mai 1996, son successeur de droite, Jacques Chirac,
lance une mise en garde contre toute récupération de Jeanne d'Arc par l'extrême-droite : "Comment ne pas voir combien Jeanne est étrangère à toute idée de mépris et de haine? Combien ses paroles sont à l'opposé du discours d'intolérance, de rejet, de violence que l'on ose parfois tenir en son nom ?"
"La France qu'elle défend est une France ambitieuse, fière de son identité et de son histoire mais aussi une France généreuse et ouverte à tous", ajoute Jacques Chirac, selon qui la levée du siège d'Orléans a rendu "l'espoir à un pays recru d'épreuves, de divisions et de guerres".
Après quatre ans de crise économique et financière, Nicolas Sarkozy pourrait quant à lui célébrer, à travers Jeanne d'Arc, "la France qui résiste", estime Guillaume Peltier, conseiller opinion de l'UMP, le parti présidentiel.
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