Certains travailleurs qualifiés se font rares sur le marché et les entreprises devront rivaliser d’inventivité pour les attirer et les retenir.
En 2012, dans bien des pays, le chômage restera élevé. Et paradoxalement la pénurie de travailleurs qualifiés sera un problème de plus en plus lourd pour les entreprises. En 2011, une étude de la société d’intérim Manpower a établi qu’à l’échelle internationale 34 % des employeurs avaient du mal à pourvoir certains postes, en particulier ceux de techniciens, de commerciaux, d’ouvriers qualifiés et d’ingénieurs. Et, si l’économie mondiale est encore en croissance en 2012, ce chiffre risque fort d’augmenter.
La concurrence pour dénicher les meilleurs talents va se faire plus rude, et les employeurs seront nombreux à reprendre à leur compte la maxime de Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook : un employé exceptionnel “n’est pas seulement meilleur que quelqu’un d’assez bon – il est cent fois meilleur”. Cette chasse aux talents sera tout aussi acharnée dans les pays en développement, où les individus qui détiennent les compétences pour réussir sur le marché mondial seront courtisés à la fois par des multinationales étrangères et par des entreprises nationales ayant des ambitions à l’étranger.
Crèches d’entreprise
La rémunération restera la principale arme des employeurs. Les salaires vont donc augmenter, de même que les primes à la signature et autres avantages annexes. Les travailleurs les plus recherchés s’attendront à recevoir des titres de leur société. Mais, la vitalité à long terme des marchés boursiers restant très incertaine, les employeurs devront offrir des primes de performance plus généreuses, en espèces sonnantes et trébuchantes.
Google, connu depuis longtemps pour les repas gastronomiques et les massages qu’il propose gratuitement sur ses sites, a récemment élargi la palette des services offerts à ses employés, qui vont désormais de l’aide fiscale aux cours de préparation à la naissance pour les futurs papas. Or, on le sait, Google est un véritable prescripteur de tendances. Les autres vont donc suivre : proposer une crèche d’entreprise gratuite sera un puissant atout, comme autoriser les employés à venir travailler avec leurs animaux domestiques.
Alors que les travailleurs sont de plus en plus nombreux à se dire épuisés, la prévention du burn-out constituera pour les employeurs à la fois un outil de recrutement et une stratégie pour préserver leur capital humain. Ils seront sans doute rares à aller aussi loin que la société Internet Netflix, qui autorise ses employés à prendre autant de jours de congés qu’ils le souhaitent (à condition qu’ils atteignent leurs objectifs), mais les entreprises les plus attentives veilleront davantage à ce que leurs collaborateurs soient reposés et prennent soin de leur forme physique et psychologique. Certaines pourraient même leur conseiller d’éteindre leur BlackBerry et de se déconnecter des réseaux sociaux au moins quelques heures par jour, ou un jour par semaine.
Face à la pénurie de travailleurs qualifiés, les entreprises mettront plus l’accent sur la formation. Les partenariats entre le monde du travail et les lycées et les universités se multiplieront. Les universités d’entreprise, elles aussi, seront de plus en plus nombreuses, en particulier dans les pays émergents, comme l’Inde, où les étudiants décrochent trop souvent leur diplôme sans avoir été formés à travailler efficacement en entreprise.
Consultations en ligne
Mais il ne suffit pas d’avoir enfin recruté pour que les difficultés disparaissent ! Selon une étude mondiale menée par l’institut de sondage Gallup, dans une grande entreprise type, seuls 33 % des employés se disent totalement impliqués dans leur travail, 49 % déclarent ne pas s’impliquer, et ils sont même 18 % à se dire “activement désengagés”. Dans les entreprises “d’envergure mondiale”, ces chiffres sont de 67 %, 26 % et 7 % respectivement. Les sociétés qui sauront motiver leurs collaborateurs en récolteront les fruits en termes de résultats financiers : pour cela, elles s’efforceront de confier davantage de pouvoir de décision à leur personnel non dirigeant. Certaines organiseront de vastes campagnes de consultation en ligne, afin que chacun de leurs employés ait au moins l’impression d’avoir voix au chapitre sur les questions importantes pour leur entreprise.
Les entreprises vont par ailleurs commencer à prendre plus au sérieux ce qu’on appelle dans les ressources humaines la “gamification” – ou “ludification” – du travail : il s’agit de rendre plus gratifiants les postes ennuyeux en empruntant aux jeux interactifs en ligne le principe des tournois, des points et des badges. En ces temps où la frontière entre travail, repos et loisirs devient de moins en moins nette, la course aux talents pourrait sans doute tirer de précieuses leçons du jeu vidéo World of Warcraft.l
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