Les chefs d'État européens se retrouvent aujourd'hui à Bruxelles, où il sera question de mesures pour aider la croissance et de la Grèce toujours empêtrée dans la crise.
2011 fut l'année d'un tour de vis budgétaire général, 2012 devrait être celle de la croissance et de l'emploi. Au sommet, les Vingt-Sept de l'UE s'attaquent aujourd'hui à l'ingrédient manquant de leur remède anticrise, avec des ambitions rognées par les déficits et un calendrier borné par les échéances électorales.
L'Europe, soulagée d'avoir jusqu'ici évité la catastrophe à sa monnaie, reste sous le coup d'une possible récession. L'Allemagne, loin de son rôle de locomotive, donne des signes d'essoufflement. En zone euro, la croissance atteindrait péniblement 0,5% en 2012 et le chômage dépasse déjà les 10%. Avec d'autres voix influentes, le FMI insiste pour que l'UE stimule l'activité quand c'est possible, sans quoi cette atonie menace de gagner le reste du monde.
Dans une capitale belge transformée en ville-fantôme par une grève générale, les chefs d'État et de gouvernement seront ce soir aux premières loges pour goûter les dégâts de l'austérité. L'armée du royaume a mobilisé des hélicoptères de transport pour, si besoin est, éviter les barrages syndicaux aux délégations. Par précaution, d'autres participants sont priés de se munir de sandwichs.
À l'intérieur de l'imposant bâtiment du Conseil européen, c'est la Grèce qui risque de troubler le huis clos. Comme en octobre, lorsqu'Angela Merkel et Nicolas Sarkozy durent batailler jusqu'à 2 heures du matin avec les banquiers pour boucler un énième plan de sauvetage. Rares sont les décisions arrêtées cette nuit-là qui sont mises en œuvre. Mesure de l'exaspération, un projet d'origine allemande vise à imposer à Athènes un «commissaire» doté de tous les pouvoirs budgétaires, comme dans un obscur protectorat (voir ci-dessous). Au passage, les créanciers privés et Athènes n'avaient toujours pas réussi à trouver un accord sur l'effacement d'une partie de la dette.
L'inquiétude qui monte face au recul de l'activité va au-delà de la facture sociale et des ennuis de Lucas Papademos. Si l'incurie grecque peut être circonscrite, il n'en irait pas de même si l'Italie ou l'Espagne plongent dans la récession et se retrouvent incapables d'honorer leurs échéances.
«Rigueur intelligente»
Les digues toutes fraîches érigées contre le surendettement -pacte budgétaire, règle d'or et fonds monétaire européen MES- se retrouveraient à l'épreuve. Le sort de l'euro se joue sur deux pays dont le gouvernement vient de changer et qui pèsent ensemble davantage que l'Allemagne.
L'enjeu du sommet sera donc de mobiliser tout ce qui peut l'être, sans oser parler de «relance» ni pousser les budgets dans le rouge comme à l'hiver 2008-2009. Aujourd'hui, il sera plutôt question de «rigueur intelligente», euphémisme qui dissimule mal le manque de moyen. «Ce n'est pas l'austérité ou la croissance, mais d'abord l'austérité dans laquelle nous instillons un peu de croissance», dit un ambassadeur.
L'Italie et l'Espagne pourraient ainsi bénéficier de soutiens européens de 8 et 11 milliards d'euros pour leurs investissements, d'après des chiffres qui circulaient ce week-end à Bruxelles. Ce ne sont pas des ressources nouvelles, mais des crédits restés inutilisés sur les trois grandes enveloppes d'aides de l'UE (fonds sociaux, régionaux et structurels). La priorité sera aussi décernée à l'embauche des jeunes, au financement des PME et à l'effacement des obstacles au marché unique. «C'est loin d'être excitant, reconnaît un responsable européen, mais c'est au moins cohérent avec la poursuite du redressement.»
Athènes menacé de mise sous tutelle
La Grèce va-t-elle perdre sa souveraineté au profit d'un «commissaire au budget» imposé par les autres pays de l'euro? Le scénario, qui met le gouvernement Papademos en fureur, est écrit en toutes lettres dans un document, manifestement d'origine allemande, soumis ce week-end à l'Eurogroupe. Incapable de remettre ses finances publiques en ordre, la Grèce «doit accepter un transfert de souveraineté vers le niveau européen», précise le texte obtenu par Le Figaro.
Cette mise sous tutelle passe par la nomination d'un commissaire investi du pouvoir de «veto sur toute décision budgétaire incompatible avec les objectifs» assignés par l'UE, la BCE et le FMI. Le document prévoit aussi de contraindre le Trésor grec à honorer «d'abord et avant tout» ses échéances de dette, les dépenses inscrites dans le budget n'intervenant qu'ensuite et dans la mesure des moyens.
Avant toute autre aide européenne, Athènes devrait enfin s'assurer que cette discipline est gravée dans le marbre, «de préférence par amendement à la Constitution». Le ministre des Finances, Evangelos Venizélos, a dénoncé hier un chantage «entre l'aide financière et la dignité nationale». La Commission européenne estime que le pouvoir de décision doit rester au gouvernement grec, «seul responsable devant les citoyens et les institutions».
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